Travailler dans le domaine de la petite enfance et notamment en tant qu’atsem c’est un peu comme naviguer sur un bateau en pleine tempête tout en essayant de jongler avec des ballons.
Chaque jour est une nouvelle aventure, pleine de surprises, d’éclats de rire, souvent de stress et parfois de larmes : celui qui a dit que les pleurs n’étaient que pour les enfants n’a jamais travailler dans le domaine de la petite enfance.
Imaginez la scène : vous arrivez à l’école en pensant que vous allez passer une journée de travail agréable. Erreur !
Dès l’entrée, vous êtes informé de l’absence d’une ou plusieurs collègues qui ne sera malheureusement pas remplacée !
Il y a des jours où on sait que la journée va être longue, très longue, celle-ci le sera indubitablement : une atsem voire plus absente et là c’est le drame chez le corps enseignant !
On sait tous qu’un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Et là on assiste souvent à une scène lunaire où comme les responsables de proximité le vendredi matin s’affrontent pour avoir leur personnel avec des arguments aussi fallacieux qu’originaux pour certaines, sans oublier la carte +4 des petites sections prioritaires.
Petit bonus pour vous cher lecteur, une phrase que toute atsem a déjà entendue au moins une fois dans sa vie » j’en ai pas besoin ce matin si tu veux je te la prête, mais j’en aurai besoin cette après-midi et cela devant la personne concernée, sans considération ni prise de conscience de la violence de ces paroles, comme si l’atsem était une agrafeuse qu’on se prête ou comme un tableau mural fourni en même temps que la classe.
Après cet échange plus que folklorique, vous esquissez votre plus beau sourire pour accueillir les enfants et les parents en faisant fi de ce sentiment d’être « exploité » jusqu’à l’os.
De retour en classe, vous êtes accueilli par une horde de petits monstres adorables qui vous prennent pour une super héroïne qui doit jouer, moucher, ranger , écouter et souvent en cette période d’hiver vous annoncent tout fièrement qu’ils sont malades mais papa ou maman a donné un Doliprane.
Les parents justifiant la présence de l’enfant malade par » vous comprenez il voulait absolument venir » ben oui quand on est malade c’est connu on aime tous aller au travail de facto les enfants c’est la même chose.
Et là, c’est parti pour une journée effrénée entre les différents ateliers dont le fameux atelier peinture, car les enseignants aiment l’art graphique mais paradoxalement c’est souvent les atsem qui s’y collent car, comme déjà entendu, » tu comprends comme c’est de l’acrylique j’ai pas envie de salir mes vêtements ils coûtent chers « .
Effectivement ce n’est pas avec nos petits salaires que nous aurons ce genre de tracas.
Puis vient la pause déjeuner de 30 minutes quand on arrive à ne pas être dérangé par un pipi ou un bobo.
Et oui nous sommes tellement indispensables et corvéables à merci !
Ensuite, souvent la mise en place des couchettes, avant d’enchaîner avec le service de cantine qui sera intensif et épuisant dans notre matinée déjà bien chargée où il faut rassurer les petits, être dans l’accompagnement des moyens et des grands faisant de l’éducation aux goûts et en essayant le plus possible qu’ils passent un moment agréable au détriment de nos oreilles qui à chaque service sont exposées à un fort taux de décibels.
Qui aurait cru que les pâtes ou la compote pouvaient être un sujet de débat aussi sérieux ? « Moi, j’aime pas ! », « Si, c’est trop bon ! ».
Après un bon repas, le passage en cour de récréation, où le concept de « ralentir » est aussi flou que la notion de « cinq minutes » pour un enfant impatient. Et là on change de posture, on devient infirmière pour les bobos, conciliatrice pour une histoire de vélo ou de conflit de copinage… après toutes ces aventures enfin le moment de repos « la couchette » !
Zut, ce n’est que pour les enfants, allez agentes prenez vos plus belles voix pour raconter une histoire, instaurer un rituel et aider à l’endormissement des loulous et à la gestion de ceux qui n’ont pas trouvé le sommeil mais qu’il faut quand même garder car les enseignants ne les veulent pas en classe avant un temps qu’elles auront elles-mêmes décrété. Alerter, déjà fait, mais dans les faits rien ne change vraiment car la ville de Lyon a une quinzaine d’années de retard de collaboration avec l’inspection académique et les mauvaises habitudes ont la dent dure.
Ça y est presque, tous les enfants dorment, mesdames prenez votre pause de 15 minutes si bien méritée pour boire un café et surtout vous retrouver seule, sans enfant depuis le début de cette matinée, soit 6 heures de contact direct avec ces petits chérubins qui d’année en année ont des besoins particuliers et une demande accrue d’attention personnelle.
Retour en couchette pour certaines et d’autres directement en classe pour enchaîner un nouvel atelier.
Viens le temps de réveiller doucement les dormeurs, les aider à se chausser pour les petits (un grand merci aux parents qui ont compris la magie des chaussures à scratch quand on a une vingtaine d’enfants à chausser et une hantise pour les converses).
Ah, les pleurs ! Le réveil n’est jamais facile et les accidents en début d’année sont fréquents.
Mesdames, parez-vous de vos gants pour les changes et prendre en charge les enfants, leur expliquer que ce n’est pas grave et que les accidents arrivent. Nettoyage des couchettes en questions et majoritairement séance de lever des couchettes pour libérer la salle de motricité.
Retour en classe, en pleine activité de peinture, un enfant a décidé que sa franche amitié avec la gouache bleue devait prendre un tournant dramatique ; il s’est enduit le visage en entier de ce bleu éclatant.
Impossible de ne pas rigoler tout en se disant : « Bien joué, petit Picasso, mais je pense que maman ne sera pas contente de retrouver un Schtroumpf ce soir… ». Intérieurement vous êtes morte de rire par l’espièglerie des loulous et oui, c’est aussi ça les écoles.
La journée se termine presque, et alors que vous essuyez les tables pleines de peintures, que vous rangez les crayons de couleur (qui, comme par magie, se sont tous retrouvés sous les tables), un enfant s’avance et vous dit : « tu sais, tu es la meilleure atsem, je t’aime ! »
Vous souriez, le cœur réchauffé.
Au fond, tout cela, les crises de larmes, les chamailleries, les déjeuners chaotiques, les pipis permettent de supporter ce travail aussi beau qu’épuisant car seuls les enfants nous font venir chaque jour au travail.
Car demain, vous aurez encore à nettoyer vos classes, préparer les ateliers et entretenir les communs et les sanitaires.
Alors, chères collègues des écoles et de la petite enfance par ce témoignage qui parlera à beaucoup nous vous rappelons à quel point votre travail extrêmement délétère est essentiel mais malheureusement comme tout travail passion et féminin trop peu considéré au niveau humain, comme au niveau salarial.
Soyez remercié(e) de cette belle et véritable illustration de notre métier…..et ainsi , peut-être, le sortir de l’anonymat ….
Stella
Ville de Villeurbanne