Lors du Congrès des Maires de France le 18 novembre, le chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, n’a pas hésité à dire que le pays doit « accepter le risque de perdre des enfants, (et) de souffrir économiquement » et qu’il faudra que le « pays soit prêt dans trois ou quatre ans ».
Cela ouvre une belle perspective d’avenir !
Ce discours intolérable demande aux Maires de France de préparer leurs administrés à une économie de guerre. Au détriment de tout : social, culture, éducation… ils préparent les mères de France à voir partir leurs enfants pour servir de chair à canon. Ils préparent le peuple à accepter l’austérité, la dégradation de leurs conditions de vie pour les soi-disant intérêts de la France.
Une austérité qui touche déjà une bonne part de la population.
Monsieur Mandon devrait se réveiller et sortir de sa caserne. Les derniers budgets votés font la part belle au budget de la défense et cela au détriment des besoins fondamentaux de la population. Les efforts sont toujours consentis par les mêmes et le fossé entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi profond.
Et dans les guerres, se sont les enfants du peuple que l’on envoie a la boucherie ; c’est aussi en substence ce que dit le chef d’état-major des armées.
Dans la «chanson de Craonne» chant pasifiste chanté des les tranchées, les poilus de la 1ère guerre, souligne que se sont eux que l’on envoie se battre pour les intérêts du capital :
« C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.»
En 1914, dans son dernier discours à Vaise, Jean Jaurès disait : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! »
Il sera assassiné 6 jours plus tard, le 31 juillet 1914. Le 3 août, la France entrera en guerre dans ce que l’on nommera plus tard « la grande guerre », la 1ère guerre mondiale.
Dans une véritable boucherie, les ouvriers de France et d’Allemagne s’opposeront pour les intérêts capitalistes.
Nous, nous refusons d’accepter sans broncher ces paroles anxiogènes, la guerre n’est pas une fatalité, elle n’est pas non plus une fin en soi.
Et la paix est notre horizon.
Marx disait : « Celui qui ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre. »
En lisant le discours de Jaurès du 25 juillet 1914, vous verrez si les ressemblances avec l’actualité sont purement fortuites… ou pas. À méditer :
« Citoyens,
Je veux vous dire ce soir que (…) jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.
Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.
Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces… Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés.
À l’heure actuelle, nous sommes peut être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors… c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.
Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres… lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français mais c’est nous qui avions le souci de la France.
Voilà, hélas ! notre part de responsabilités…
Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : « Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie: « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité. »
Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres…
Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.
Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.
Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.
Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà… nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.
Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs coeurs écarte l’horrible cauchemar. »