Dossier « l’I.A. » Bienvenue en 1984

Cela fait quelques jours que nous entendons parler de l’Intelligence Artificielle (IA) par le biais des médias. Elle est d’ailleurs en ce moment à la Une de l’actualité avec le sommet international de l’intelligence artificielle qui s’est tenu au début du mois de février au Grand Palais.

Déjà en 1996, c’est une IA qui a permis le match d’échecs entre Kasparov et Deep-blue, un super ordinateur spécialisé dans ce jeu et qui voit l’humain perdre, face à la machine. Depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et les IA sont très présentes un peu partout dans notre vie de tous les jours, que ce soit avec notre téléphone, avec les GPS, à travers différentes applications mobiles, la reconnaissance vocale comme avec des assistants type Siri ou Alexa, les montres connectées, dans les réseaux sociaux qui ciblent des publicités en fonction de nos visites sur internet, les traductions de textes, etc… Mais alors à quoi correspond plus précisément intelligence artificielle ?

L’IA comment ça fonctionne ?

L’IA utilise comme base les algorithmes, les données et le calcul statistique.

L’algorithme est paramétré de façon à pouvoir délivrer les instructions à suivre. Il est écrit par des humains qui peuvent introduire des sources d’erreurs.

Concernant les données : il est nécessaire de disposer d’une quantité très importante de données fiables, de bonne qualité et pertinentes pour pouvoir nourrir et dresser l’algorithme.

Le calcul statistique, lui, permet de traiter et analyser des données pour en extraire des modèles, des tendances ou des prédictions. Il joue un rôle essentiel dans la formation et le fonctionnement des algorithmes.

L’IA quel applications au quotidien ?

Dans son utilisation concrète l’IA va transformer nos existences personnelles et professionnelles dans une mesure que nous ne pouvons pas imaginer. Ces transformations affectent tous les secteurs de notre vie : la santé, l’alimentation, la communication, l’éducation, la culture, les transports, la sécurité, la défense, la recherche et peut être bien d’autres secteurs que nous n’avons pas encore imaginés. Il y a peut-être une source formidable de progrès pour l’humanité, développer à grande échelle les machines pourraient réduire le temps de travail permettant une vie plus équilibrée au profit du bien-être familier, du développement culturel, de la vie personnelle. L’IA pourra remplacer ceux qui ont des tâches difficiles et répétitives.

L’IA comme innovation ?

« Il est probable qu’aucune invention n’a autant exalté l’imagination du public et n’a conquis le monde en une vitesse aussi fulgurante ».

Ces propos datent de 1839. Ils ont été tenus à propos du Daguerréotype, l’ancêtre de la photographie par Helmut Gernsheim, un célèbre historien de l’art, spécialisé dans la photographie.

Imaginez à l’époque l’arrivée de la photographie et les interactions sur les métiers d’alors.

Dans un autre style d’évolution technologique on peut aussi citer le métier à tisser Jacquard.

La machine fut expérimentée à Lyon, où elle fut mal reçue par les Canuts (les ouvriers de la soie) qui voyaient en elle une cause possible de chômage. La mécanique Jacquard supprime l’opération de tirage qui nécessitait auparavant un ouvrier pour actionner les cordes. Ce fut l’une des causes de la révolte des Canuts, certains ouvriers allèrent jusqu’à casser les machines. À l’origine, Jacquard inventa son métier afin de limiter le travail des enfants, qui étaient souvent employés comme aides par leurs parents tisseurs. Mais il regretta toute sa vie les conséquences sociales de cette innovation.

En effet, les enfants durent trouver du travail ailleurs,   dans des usines où les conditions étaient plus difficiles.

On pourrait aussi parler du développement de l’industrialisation avec le travail à la chaîne notamment dans l’automobile  permettant de produire plus de véhicules tout en baissant les coups, rendant les voitures plus abordables et accessibles à un plus grand nombre.

Chaque époque a vu naître des avancées technologiques qui, aux mains du capital, n’ont pas eu pour objectif l’amélioration des conditions de travail, mais ont été mises en place dans un seul but, avoir toujours plus de rentabilité en l’améliorant le rendement.

On peut exactement se poser la même question avec l’IA .

A qui profitera-t-elle ?

L’IA le grand remplacement ?

Aujourd’hui c’est essentiellement les GAFAM (Google Amazon Facebook Apple Microsotf), les grandes entreprises étasuniennes, aux mains de quelques milliardaires, qui ont la capacité de développer cette technologie.

Avec l’intelligence artificielle il est normal d’avoir peur pour nos emplois car un bon nombre d’emplois qualifiés peuvent être remplacés par l’IA. Les machines robots, ordinateurs ou objets connectés ont une grande capacité pour apprendre, analyser, décider et résoudre des problèmes comme le font les humains. Elles sont souvent plus performantes que ces derniers car elles traitent plus d’informations et travaillent plus vite mais font des erreurs et voire …

L’IA comme source de discrimination et de dérives !

Selon l’UNESCO « un homme a davantage tendance à être présenté comme un professeur, un chauffeur ou un employé de banque. Par une IA, dans le même temps, le plus souvent, ces modèles de langage décrivent les femmes en les réduisant à des tâches domestiques, davantage que pour les hommes, et ont tendance à associer les termes « foyer », « famille » et « enfant », quand les hommes sont eux associés aux termes « business », « exécutif », « salaire » et « carrière ». Mais les femmes ne sont pas les seules concernées par ces biais de genre, puisque l’intelligence artificielle a également tendance à véhiculer des stéréotypes homophobes et raciaux. »

On retrouve ce type de préjugés dans des IA de recrutements ou même des IA mises en place par des banques pour accorder ou non un crédit. Les IA peuvent assimiler des données pas toujours fiables, les digérer, puis traiter le travail alors que l’algorithme n’a pas de conscience ni de problème éthique. Il ignore ce qu’il fait.

En 2016 l’entreprise Microsoft développe Tay, robot de discussion ou « chatbot » censé discuter avec des adolescents sur les réseaux sociaux pour construire sa base de données il se sert des échanges avec ses interlocuteurs. En moins de 24 heures le robot devient raciste et même négationniste.

Ce n’est malheureusement pas le seul exemple de dérive d’une IA.

L’IA utile mais a réguler !

C’est pour ces raisons qu’il est important qu’un humain veille. L’algorithme doit être libre, ouvert et être dans le domaine public pour pouvoir être modifié et garantir une égalité de tous face à la machine.

L’IA est déjà en service dans la vie courante

Des applications pour traiter des appels fonctionnent déjà. Des démarcheurs téléphoniques ou des administrations, pour filtrer leurs appels, utilisent l’IA et privent l’usager d’un contact humain, seul capable d’analyser des soucis pouvant sortir de l’ordinaire alors qu’un robot lui ne le peut pas.

Mais l’IA se développe aussi beaucoup sur des applications en lien avec la sécurité. Celles-ci posent bon nombre de questions. Elles ont déjà été testées notamment lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Bien que la reconnaissance faciale ait été exclue des possibilités retenues pour des questions de « respect des libertés individuelles », d’autres technologies de surveillance ont été déployées.

À la place de la reconnaissance faciale, des systèmes de vidéo-surveillance augmentés par algorithme ont été expérimentés. Ces « caméras augmentées » sont conçues pour détecter en temps réel des situations inhabituelles prédéfinies, telles que des mouvements de foule, des objets abandonnés ou des intrusions dans des zones interdites.

Le préfet de police de Paris, quant à lui, s’est déclaré favorable à la prolongation de l’utilisation de la vidéo-surveillance algorithmique pour d’autres événements, tels que « des concerts ou des manifestations culturelles ».

Des questionnements éthiques autour de l’IA

L’introduction de ces technologies, jugée politiquement dangereuse et incompatible avec les principes démocratiques suscite des préoccupations quant à une possible surveillance généralisée de l’espace public. D’autant plus que ces bases de données existent déjà. Facebook applique un logiciel de reconnaissance faciale aux photos postées par les utilisateurs sur son site. Si un ami n’est pas reconnu le site invite même les utilisateurs à identifier leurs proches. Vous pouvez donc être reconnus par l’IA sans même avoir eu de compte Facebook.

Les GAFAM utilisent nos données et toutes ces données ont une immense valeur parce qu’elles peuvent être monnayées aux publicitaires, à Netflix ou Amazon par exemple avec pour but de prédire nos comportements ou même d’influencer nos désirs avec les recommandations.

Comme on dit dans la Silicon Valley, quand c’est gratuit c’est que c’est toi le produit.

Bienvenue en 1984 « Big brothers is watching you ».

L’IA un problème écologique…

Un autre des points négatifs de l’IA c’est le stockage de ses immenses bases de données. En 2023, les émissions de CO² de Google ont atteint 14,3 millions de tonnes, soit une augmentation de 48 % par rapport à 2019. Cette hausse est en grande partie attribuée à l’intégration accrue de l’IA dans les produits de l’entreprise.

En 2024, la consommation énergétique mondiale liée à l’IA était estimée à 4,3 gigawatts (GW), une valeur comparable à la consommation énergétique de certains petits pays comme le Slovénie, l’Estonie ou la Lettonie. Cette consommation pourrait atteindre 20 GW d’ici 2028, avec une augmentation de 36 % soit plus que la Thaïlande, le Vietnam ou la Suède.

Et l’IA à la ville de Lyon

En plus de ces cotés négatifs que nous venons de citer nous pouvons aussi parler de la perte de compétences. Il y a 200 ans avant l’invention du briquet tout le monde était capable d’allumer un feu en quelques secondes. Aujourd’hui personne ne sait le faire spontanément. Les tâches que la technologie nous a rendues plus simples ont tout simplement été oubliées.

L’IA un appauvrissement de la socièté ?

La ville de Lyon est quant à elle en train d’étudier quelles applications elle pourrait transposer au service public. Il en existe déjà aujourd’hui notamment avec la LAPI (Lecture Automatique de Plaques d’Immatriculation) la fameuse voiture qui verbalise toute seule. Elle est équipée d’un système qui utilise des caméras pour capturer et lire automatiquement les plaques d’immatriculation des véhicules. La ville s’est engagée à ce que de futures applications de l’IA ne remplacent pas du personnel. Nous serons donc vigilants pour suivre l’évolution du nombre d’Agents de Surveillance de la Voie Publique (ASVP). Affaire à suivre …

L’IA une menace pour nos emplois ?

Une estimation basse prévoit 2,1 millions d’emplois menacés par l’IA. Nous ne doutons pas non plus que la transition nécessitera une adaptation des compétences et des formations pour préparer les travailleurs aux métiers émergents qui lui sont liés.

L’IA comme outil pour la démocratie et pour les droite des travailleurs ?

Mais l’IA n’a fort heureusement pas que des mauvais côtés. Beaucoup de tâches répétitives, longues, difficiles pourraient être faites par la machine plutôt que par l’humain.

Le débat est vaste mais comme chaque technologie elle ne doit pas échapper à l’humain et surtout être sous le contrôle populaire et non sous la seule main des GAFAM et des capitalistes en tous genres qui ont comme seule ambition d’accumuler des données, de développer des services marchands et donc leur rentabilité.

Malgré tout, à la CGT nous ne sommes pas contre l’IA. Cela viendrait à être contre l’invention de la roue, du feu, de la mécanisation. Cependant nous tenons à ce que des garde-fous soient appliqués.

Déjà dans notre collectivité que l’IA ne soit pas perçue comme un seul biais d’économie mais plutôt comme une évolution du travail avec les formations en lien avec ces évolutions, mais aussi le redéploiement sur le long terme des agents pour rendre le service public plus utile, efficace et accessible à l’usager et plus agréable pour l’agent.

Mais en attendant…

C’est à l’opposé de ce que prévoit CAP 2022 qui avait comme l’un des objectifs la transformation numérique. Nous l’avons tous vu aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de faire des démarches administratives. La fracture numérique ne fait que se creuser aussi bien pour les plus anciens que pour les jeunes. Ceux-ci n’ayant  aucune difficulté à télécharger une appli sur leurs téléphones mais davantage pour remplir des formulaires, au point que l’on croise de plus en plus de boutiques qui proposent de faire ces démarches à notre place, moyennant finances bien entendu.

En transformant un service public qui devrait être gratuit et effectué par des agents dans une optique d’égalité de traitement en un service réservé uniquement à ceux qui paient constitue une vraie rupture d’égalité. Ce n’est pas notre vision bien entendu.

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Nos propositions concernant l’IA.

Nous avons évidemment des propositions pour que l’humain vive avec l’IA sans en être sa victime.

Nous réclamons que :

– Les IA et leurs usages soient transparents et appartiennent à l’humanité, que les algorithmes soient dans le domaine public et accessibles à tous.

– Le respect de l’autonomie pour permettre à l’humain, en interaction avec un système adapté de conserver le contrôle de sa capacité de décision.

– D’avoir des garanties sur le traitement des données.

– Que la technologie, avant sa mise en place, soit réfléchie et qu’elle apporte un plus à l’usager ainsi qu’à l’agent.

-Que des critères soient définis avant la mise en place d’une IA ainsi que son impact écologique, la supervision humaine, la protection de la vie privée, les conséquences sur le métier, l’efficience des services et l’intérêt du service public.

– De développer les politiques de formations et de reconversions publiques afin d’anticiper l’obsolescence des postes de travail et des métiers concernés, adapter et créer un dispositif de professionnalisation et de passerelle entre les métiers.

– De proposer, instaurer un cadre réglementaire européen qui encourage un numérique inclusif en respectant les libertés individuelles, articuler une fiscalité numérique favorisant des politiques de redistribution.

– Et surtout de profiter des tâches automatisées pour réduire le temps de travail sans perte de salaire, donc de porter la réflexion sur une meilleure répartition des richesses produites entre le capital et le travail.

Les nouvelles technologiques n’auront aucun sens si elles ne s’inscrivent pas dans une perspective de progrès social environnemental.

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