Profitez bien de vos vacances, la rentrée sera chaude.
Avant le départ en vacances des Français, pour ceux qui le peuvent, le Premier ministre François Bayrou a pris la parole lors d’une grande conférence pour nous présenter le futur budget 2026, qu’il a intitulé « le moment de vérité ».
Plutôt ironique, non ?
Lors de cette conférence de presse, le Premier ministre a commencé sa démonstration en nous racontant l’histoire de la Grèce en 2015, quand le pays avait décidé de mettre à sa tête Alexis Tsipras. Celui-ci se trouvera forcé par la troïka (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) à devoir mettre en place des mesures d’austérité. Face à ces mesures injustes et pour avoir la légitimité de ne pas les prendre, « il organisa un référendum pour dire non à ces mesures », nous raconte François Bayrou. « Le lundi, il part négocier, le vendredi, il accepte toutes les propositions qui avaient été rejetées massivement par le référendum.»
Cette petite phrase peut paraître vide de sens, mais elle en dit long en réalité. Elle signifie qu’eux, les experts, auront raison en dépit de la décision des peuples, niant de fait la démocratie.
Elle veut aussi dire que ces institutions ont choisi leur camp et que ce n’est pas celui des travailleurs, et qu’elles feront plier tous les États qui ne se soumettent pas.
Belle entrée en matière pour un « moment de vérité » ?
Le La étant donné que continent ces fameuses mesures ?
L’objectif des mesures que nous allons vous détailler est de faire 43,8 milliards d’économies. Le gouvernement (l’État portera 4,8 milliards, les opérateurs publics 5,2, les collectivités 5,3 et la sécurité sociale 5,5) annonce aussi qu’ils regarderont « quelle part chacun d’entre nous est capable de prendre ». Mais qui est ce « nous » ? Ou plutôt, qui est exclu du « nous » ? Au hasard, le patronat, les entreprises du CAC 40 qui ont cumulé entre 126 et 131 milliards de bénéfices et versé plus de 73 milliards de dividendes, les grandes fortunes… bref, les habituels !
Les mesures :
La suppression de 2 jours fériés
C’est de loin la mesure la plus médiatique. C’est le chiffon rouge agité pour attirer notre attention.
Cette méthode n’est pas sans rappeler le tour de passe-passe de ce même gouvernement lors du précédent budget de l’an dernier, quand il avait annoncé vouloir mettre en place 2 jours de carence supplémentaires.
Après être revenu en arrière, tout le monde s’est senti soulagé sans voir la mise en place des 10 % de moins d’indemnisation pour les jours de maladie.
La ficelle est la même, car personne, que ce soit des travailleurs ou les professionnels du tourisme, n’est prêt à accepter cette mesure.
Son retrait suffira à beaucoup pour ne plus être outrés par la violence des autres propositions.
Pas 1 euro de plus dans tous les ministères
« L’État se fixe comme première règle de ne pas dépenser davantage, à l’euro près, en 2026 qu’en 2025 ». C’est même un effort de 4,8 milliards d’euros qui leur sera demandé.
Voilà une annonce qui doit nous faire froid dans le dos.
Nos services publics sont aujourd’hui dans un état déplorable, il manque des agents partout : à la justice, où la durée de traitement des dossiers est de plus en plus longue ; sur la sécurité de tous les jours, il y a de moins en moins de douaniers, les missions de police nationale sont petit à petit déléguées aux communes à travers les polices municipales. Une loi est même en préparation pour élargir le pouvoir des polices municipales, ce qui sera une vraie rupture d’égalité entre les villes les plus riches et les autres. Dans la qualité et la quantité des soins prodigués dans les hôpitaux, il manquait en 2022 15 000 postes d’infirmiers, 30 % des postes de médecins hospitaliers sont vacants, 99 % des hôpitaux et EHPAD déclarent des difficultés persistantes de recrutement. Mais aussi la culture, la transition écologique dont nous avons le plus grand besoin aujourd’hui, et même l’éducation, qui devrait être, avec la santé, une priorité nationale en recrutant massivement
des professeurs pour qu’aucun élève ne quitte le système scolaire sans savoir lire, écrire et compter.
Quant aux collectivités territoriales, elles devront faire un effort budgétaire de 5,3 milliards d’euros. Ce sont nos métiers de tous les jours qui seront impactés à travers la possibilité d’investir, mais aussi d’attirer de nouveaux agents pour pouvoir rendre le service public au plus près tous les jours, comme avec les crèches, les ATSEM, etc.
Quant au point d’indice et donc à nos rémunérations, elles seront cette année encore gelées.
Le service public a toujours été un amortisseur social dont nous avons besoin tous les jours et qui se verra impacté.
Au-delà de la question de ne pas dépenser un euro de plus, c’est aussi l’objectif de réduire le nombre de fonctionnaires de 3 000, mais aussi de ne pas remplacer le départ d’un fonctionnaire sur trois, laissant penser que ce sont eux qui ont mis les finances du pays dans cet état.
Le seul ministère qui échappera à cette cure d’austérité est celui de la défense. Ce ministère verra même son budget évoluer de 3,5 milliards en 2026 et de 3 milliards en 2027.
Ces choix sont justifiés car « la guerre est revenue et nous ne pouvons pas laisser notre continent désarmé ».
Un choix politique a été fait et l’État préfère donc acheter des canons plutôt que d’assurer les besoins fondamentaux de tous les jours, de l’écologie à la santé en passant par l’éducation.
L’année blanche
C’est l’annonce du gel des pensions des retraites. Aujourd’hui, près de 2 millions de retraités touchent moins de 1200 euros par mois ; leurs pensions ne suivront donc pas l’inflation cette année. Quant à ceux touchant plus de 20 000 € par an, ils verront la suppression des 10 % d’abattement d’impôt qu’ils avaient, ce qui concernerait à peu près 300 000 foyers.
Les prestations sociales, les aides au logement, les allocations familiales ou l’allocation adulte handicapée n’évolueront pas en 2026. Ce sont toutes des dépenses sociales qui n’évolueront pas à la hausse. Les tranches d’imposition n’évolueront pas non plus. En gelant le barème de l’impôt sur le revenu, le gouvernement impose en douce une hausse des impôts. L’inflation augmente, le fait que les tranches d’impôts ne suivent pas l’inflation fera franchir un palier et donc payer plus d’impôts à ceux qui étaient à la limite d’une tranche.
Cette année blanche se traduira donc par un appauvrissement de chacun de plusieurs centaines d’euros, et ce sera une fois encore les plus pauvres qui paieront la facture.
Ce manque à gagner impactera la consommation et donc toutes les couches de la société.
Les dépenses de santé
Le gouvernement a pour objectif de réduire les dépenses de santé qui passeront de 10 à 5 milliards. « Les patients ne seraient pas responsables » et multiplieraient « les actes et les visites chez le médecin ».
Cette économie se fera à travers le doublement de la franchise médicale (franchise qui reste à la charge du patient sur les actes ou produits de santé, comme par exemple le déremboursement de 0,50 € par boîte de médicament ou par acte médical. Une fois ce montant atteint, aucune franchise n’est prélevée jusqu’à la fin de l’année).
Cette franchise passera de 50 à 100 €. La prise en compte des affections de longue durée, qui touche tout de même 13 millions de malades, verra aussi des mesures de déremboursement visant dès 2026 « à sortir du remboursement à 100 % des médicaments qui sont sans lien avec l’affection déclarée ». Cela aura aussi des impacts sur la santé de ses ALD. Certains médicaments provoquant des effets secondaires atténués d’autres, seront-ils encore remboursés demain ? Autre point, les arrêts maladie seront également dans le viseur. « 50 % d’arrêts de plus de 18 mois… » seraient « injustifiés ».
C’est une fois de plus les plus faibles et les malades qui paieront.
La fin des niches fiscales
Le gouvernement veut s’attaquer à certaines niches fiscales. Super, me direz-vous, les riches vont enfin payer des impôts. Or, cela pourrait concerner les réductions pour les emplois d’aide à domicile, la prise en charge pour le paiement des assistantes maternelles, les dons aux associations ou à la recherche.
La grande braderie
François Bayrou nous annonce aussi que « la diminution de la participation de l’État dans certaines entreprises » sans jamais dire le nom.
C’est une vague de privatisation au profit du capital qui attend, avec des conséquences sur les travailleurs de ces entreprises. Il nous annonce aussi la vente de certains biens immobiliers appartenant à l’État.
La seconde partie de la présentation du budget a été nommée «En avant la production ».
Le Premier ministre dit très clairement « qu’il faut pouvoir travailler plus pour ceux qui le veulent ». Que cache cette phrase ? Une réforme du droit du travail sera-t-elle proposée ?
Il le laisse penser. Va-t-on vers un nouveau détricotage du code du travail pour qu’il n’y ait « plus aucun frein pour travailler plus » avec « un chantier sur le droit du travail » ?
Sans annoncer ce qu’il prépare, François Bayrou nous dit que « les conditions de rémunération des chômeurs ne permettent pas aux chômeurs de retourner au travail » et « qu’un chantier sur l’assurance chômage sera mis en place ».
Les conditions d’attribution du chômage ont déjà été durcies, et ce ne sont pas les lois qui forcent les bénéficiaires du RSA à travailler gratuitement pour justifier du paiement de leurs allocations qui arrangeront les choses.
En le disant du bout des lèvres, il aborde aussi la question des retraites en parlant du fameux conclave. Mais ce qu’il dit ne nous rassure pas : « il faudra faire que la protection sociale pèse moins sur le travail et plus sur l’économie ». Et en ajoutant vouloir faire « une reconfiguration de notre système social qui a 80 ans et pour qu’il dure 80 années de plus, nous devons moins faire peser sur le travail le financement de notre système social… nous devons refonder ce financement en trouvant d’autres bases pour le financer que le travail ».
Nous y voilà : avec cette phrase, le Premier ministre ouvre en grand la fin du système de retraite par répartition en laissant penser que nos cotisations sociales sont un frein. Il veut surtout ouvrir en grand nos retraites aux fonds de pension et à la spéculation.
C’est un premier pas dans une retraite par capitalisation. Demain, si nous le laissons faire, nous vivrons avec nos retraites ce que nous vivons avec la santé aujourd’hui. Il n’est plus possible d’être soigné sans mutuelle, nous n’aurons jamais plus de retraite sans complémentaire.
À contrario des efforts demandés aux salariés, l’aide aux entreprises sera maintenue à la hauteur de 211 milliards d’euros et ce, sans contrepartie.
À travers ses annonces qui vont plonger des milliers de Français dans la précarité, ce sont toujours les mêmes qui vont payer. C’est l’idée que seul l’austérité peut nous sortir de « la crise » et que l’austérité doit être payée par les travailleurs, les retraités, les malades et les chômeurs.
C’est inséminer l’idée que le moment est difficile et que l’on doit se serrer la ceinture, que nous serons une génération sacrifiée et que des revendications même les plus légitimes, comme les réductions de temps de travail, la retraite, de meilleurs salaires ou même de meilleures conditions de travail, ne seront plus entendables.
Toutes les mesures sont un pont d’or fait à l’extrême droite qui ne se gênera pas pour s’en servir pour les prochaines élections, en laissant penser que seuls eux, « que nous aurions jamais essayés », pourraient nous sortir de cette situation, alors qu’ils ont toujours été au service des plus riches. Leurs votes à l’Assemblée et au Parlement européen ne font que le prouver.
C’est le retour du spectre de la dette, le «+4 » au Uno face auquel on ne peut rien, à part subir. Voilà ce qu’ils veulent nous faire croire !
Emmanuel Macron, lors d’une interview sur le sujet, a tout de même dit qu’il était ouvert à d’autres propositions.
Mais nous, et CGT, nous avons des propositions :
– En finir avec les cadeaux pour les entreprises : les 211 milliards d’euros d’aide aux entreprises sans conditions ni contrepartie ne sont pas remis en question, et ce ne sont pas des PME qui en profitent le plus, mais aussi des entreprises qui licencient.
– Une meilleure répartition des richesses : les 500 plus grandes fortunes de France ont vu augmenter leur patrimoine de 1 000 milliards d’euros. Ils sont passés de 124 milliards d’euros en 2003 à 1 170 milliards aujourd’hui.
– En rétablissant un impôt juste et équitable : l’État accorde 73 milliards d’euros de baisse d’impôts pour les plus riches et pour les plus grandes entreprises.
– En mettant fin aux exonérations de cotisation sociale qui assèchent les caisses de sécurité sociale.
– En remettant en place l’ISF.
– En luttant contre l’évasion fiscale qui représente près de 80 milliards.
– En suivant la même politique que l’Espagne et en refusant les politiques martial et va-t-en-guerre, et en redirigeant ces budgets sur les besoins fondamentaux.
Car oui, de l’argent, il y en a. Le pays n’a jamais été si riche, mais sans une mobilisation populaire, nous les ferons jamaisplier. Donc, affaire à suivre à la rentrée.